Yannick Delpuech, psychologue petite enfance à l’Institut National des Jeunes Aveugles, est responsable du Service d’aide aux familles d’enfants déficients visuels 0-6 ans.  À travers ce témoignage, il met en avant le pouvoir des mots et l’importance d’un suivi. 

Pourquoi faire intervenir un psychologue si tôt dans la vie de l’enfant et de sa famille ? Car c’est là, que se mettent en place les acquisitions essentielles qui vont le guider vers l’autonomie. Pour le lui permettre, il faut d’abord rassurer ses parents sur ses capacités, dont celles de faire ses propres expériences.

S’appuyer sur d’autres modalités sensorielles pour donner sens à ce qu’il perçoit est une étape indispensable pour tout enfant non ou malvoyant. Mais au sein des familles les conditions psychologiques ne sont pas toujours présentes pour que les parents adoptent l’attitude adéquate et  se tournent vers une prise en charge adaptée qui va permettre le développement de ces fonctions. Les aspects psychologiques de l’enfant déficient visuel et de son entourage sont donc des éléments à prendre en compte pour que la rééducation puis l’insertion de l’enfant soient efficientes. À ce titre, le psychologue occupe une place fondamentale au sein de l’équipe de rééducation.

Yannick Delpuech, psychologue clinicien, est l’un d’entre eux. Il occupe cette fonction depuis 2004 à l’Institut National des Jeunes Aveugles, sur la tranche d’âge petite enfance.

L’intervention précoce : un enjeu pour faciliter les futures acquisitions de l’enfant

D’emblée, Yannick Delpuech aime souligner deux dimensions importantes dans son métier : que son aide s’adresse d’abord aux parents – et à la famille « élargie » – « parce que ce sont eux qui s’occupent des enfants » ; ensuite que son action « doit intervenir le plus tôt possible après l’annonce du handicap ». « Parce que c’est dans cette tranche d’âge que tout se met en place chez l’enfant et qu’il y a donc des moyens spécifiques à mettre en œuvre pour faciliter toutes les acquisitions qui vont suivre : il faut que l’enfant apprenne à se déplacer et à se nourrir seul, explore la maison sans que les parents aient peur qu’il se fasse mal, qu’il n’aie pas peur de s’éloigner d’eux, etc. Il faut le laisser faire ses propres expériences », explique-t-il. « Or, nous nous apercevons, quand les enfants entrent à l’INJA, qu’il manque parfois un travail avec les parents autour de leur vécu et de la façon dont ils peuvent accompagner leur enfant dans ces premières acquisitions. »

« On ne sait plus quoi faire dans une culture où le face-à-face avec un l’accrochage visuel est très important »

L’intervention précoce permet d’abord d’accueillir le récit de l’annonce du handicap, un récit « qui, souvent, bouleverse les parents et leurs repères », explique le psychologue. « Face à cette situation méconnue et dans une culture où le face-à-face avec un accrochage visuel est très important, on ne sait plus quoi faire. C’est le regard que l’on partage au moment du biberon par exemple : quand il n’y a pas ce retour visuel, cela perturbe beaucoup. Et suscite beaucoup d’interrogations : ‘est-ce que je comprends bien ?’, ‘est-ce qu’il comprend bien ?’ ‘comment lui faire comprendre ?’… »

Rassurer les parents sur les capacités de leur enfant

Le psychologue peut ensuite apprendre à ces parents à faire « avec d’autres codes », les « rassurer sur leur capacité à faire » et leur montrer que, certes il manque la vue à leur enfant, mais qu’il peut développer d’autres façons de faire. Objectif ? « leur faire comprendre qu’il est compétent et redémarrer ainsi la machine à fantasmer leur enfant, à le projeter dans l’avenir ». Et il est « compétent » dès la crèche, étape que le psychologue encourage aussi « parce que cette première inclusion permet de penser à l’école ensuite de manière plus sereine ».

« Ce que l’on recherche pour les enfants, c’est qu’ils puissent penser et mettre en œuvre ce qu’ils auraient envie pour eux ! »

À l’enfant aussi est offert un espace de parole. Reçu au départ avec au moins un parent, il lui est ensuite proposé, à partir de 5 ans environ, un suivi individuel avec l’autre psychologue de l’INJA. Une transition que Yannick Delpuech juge également importante. « Parce qu’ils sont attentifs à leurs parents, ces enfants portent beaucoup d’émotions qu’ils répriment et dont ils doivent pouvoir se décharger », explique-t-il. « Ce que l’on recherche pour eux, alors que tout le monde leur dit ce qu’ils doivent faire, les personnels de la crèche, l’équipe pédagogique de l’école, les professionnels de leur rééducation, etc., c’est qu’ils puissent penser et mettre en œuvre ce qu’ils auraient envie pour eux et atteindre l’autonomie. »

C’est donc aussi parce que les enfants non ou mal voyants peuvent se sentir « empêchés » que le psychologue apparaît comme un professionnel incontournable dans leur suivi. Avec eux aussi, le psychologue mène un travail qui s’appuie sur « le pouvoir des mots », avec lesquels les enfants peuvent exprimer leurs ressentis, tout en les amenant aussi à cette idée qu’ils sont compétents et donc aptes à faire leurs propres expériences.

Merci à Yannick Delpuech pour son témoignage
Merci à Camille Pons pour la rédaction