Nathalie Dematons Bujosa est orthoptiste au CSES Alfred Peyrelongue. Son rôle ? Apprendre à l’enfant à exploiter au mieux les capacités visuelles dont il dispose.

« L’œil m’a toujours fascinée. Un si petit organe avec tant de muscles ! Et j’ai aussi été marquée par l’histoire de mon père qui a dû cesser sa carrière de pilote d’avion suite à un décollement de rétine… », aime raconter Nathalie Dematons Bujosa quand on l’interroge sur ce qui l’a menée à ce métier.

Après avoir décroché son Certificat de capacité d’orthoptiste à Bordeaux en 1987, elle suivra des formations spécialisées sur la basse vision, mais aussi un DU de Neuropsychologie. Des compléments indispensables et qui lui ont permis d’approcher les enfants, public qui l’intéressait « le plus », « parce qu’il y a tout à construire », puisque, explique-t-elle, instaurer une guidance précoce permet de créer chez l’enfant des connexions neuronales et donc d’optimiser ses facultés. Elle accompagne ce public depuis 1995 au Centre de soins et d’éducation spécialisée (CSES) Peyrelongue, aujourd’hui particulièrement les enfants de 0 à 10 ans.

Nathalie Dematons Bujosa orthoptiste

La première étape du suivi consiste à établir un bilan des capacités et incapacités sur le plan sensoriel (l’œil pour voir), sur le plan moteur (l’œil pour coordonner) et sur le plan fonctionnel (l’œil pour agir, comme attraper sa cuillère). « S’appuyant sur ce que l’on sait des données sensorielles et optomotrices recueillies et analysées en amont, on observe la mise en œuvre de la vision et des stratégies  visuelles dans l’action ou le faire », précise la professionnelle. Pas seulement en déterminant et en préparant à l’utilisation d’une aide optique. Car la rééducation orthoptique consiste d’abord en un entraînement visuel qui, sans améliorer la vision – car on ne répare pas la pathologie -, permet d’optimiser et d’apprendre à utiliser au mieux par des techniques le potentiel visuel existant. Chez le tout petit, il s’agit donc de faire « de l’éducation visuelle, de la stimulation sensorielle pour attirer le regard, travailler la fixation », pour ensuite développer la capacité de repérage et d’exploration.

« C’est beau de voir un enfant sourire quand il met des lunettes et découvre des choses qu’il ne voyait pas avant ! »

Construire les représentations mentales

 Un travail plus complexe sur un enfant né déficient visuel que sur un enfant qui aura vu auparavant et donc « acquis des représentations mentales ». « Il faut aider le bébé né mal voyant à construire ce stock d’images, se représenter les éléments qui constituent le monde extérieur – par exemple associer un bruit à un objet -, pour qu’il puisse s’y projeter et y agir », explique en effet l’orthoptiste.

À Peyrelongue, pour les 0-3 ans cet éveil visuel se déroule à 4 mains avec la psychomotricienne. Car « l’œil n’est pas un élément indépendant dans le corps. Un enfant a des points d’appui, un devant, un derrière. Il faut donc favoriser les postures, les points d’appui pour que le visuel soit disponible. » La psychomotricienne travaille donc les mises en forme et l’orientation du corps de l’enfant pour faciliter l’observation visuelle et permettre à l’orthoptiste d’aider à la maturation des fonctions visuo-sensori-motrices et spatiales.

Après 3 ans, il s’agit d’accompagner la scolarité : proposer des adaptations de postes de travail, des outils de compensation comme des loupes, des outils informatiques (à partir 7 ans), un bloc-note braille, etc., « pour lui permettre d’être plus rapide pour apprendre et produire ». La coordination œil main figure aussi parmi les pré-requis incontournables pour l’apprentissage de la lecture et de l’écriture, étant question, sur ce dernier plan, de mettre en place « la mémoire du geste ».

Le bilan orthoptique : base du suivi de l’enfant

L’orthoptiste travaille évidemment en lien avec tous les professionnels qui accompagnent l’enfant. « Le bilan orthoptique est la base du suivi », souligne Nathalie Dematons Bujosa. « On aide l’enseignant spécialisé à mieux placer l’enfant par rapport au tableau, à la source lumineuse… On va aussi donner des pistes de compensation à l’AVJiste pour les activités du quotidien, s’habiller, manger…, définir avec l’opticien les aides optiques, aider le transcripteur-adaptateur dans le choix de la taille de police, des couleurs, etc. »

L’orthoptiste aide aussi les parents à mieux connaître leur enfant. À Peyrelongue, des lunettes de simulation fonctionnant avec une application conçue par l’IRIT (Institut de Recherche en Informatique de Toulouse) donnent à voir, en s’appuyant sur des données correspondant à l’acuité visuelle, la vision des couleurs, etc. de l’enfant, des photos de lieux, objets et personnes, tels que l’enfant les voit. S’ajoutent des conseils pour accompagner l’enfant dans son développement, le choix des jouets ou la construction des représentations mentales. « Un enfant qui entend le bruit d’un aspirateur va avoir peur, il faut le lui faire toucher et expliquer. De même, il pourra se précipiter sur un autre parent à la sortie de l’école si celui-ci a des vêtements de couleur similaire. Il faut apprendre à s’annoncer avec la voix. »

Un métier « passionnant », résume Nathalie Dematons Bujosa.

« C’est beau quand un enfant arrive à fixer son regard, beau de le voir sourire quand il met des lunettes et découvre des choses qu’il ne voyait pas avant, beau de voir les parents ensuite apaisés »

Merci à Natahlie Dematons Bujosa pour son témoignage
Merci à Camille Pons pour la rédaction