Manuels scolaires transcrits en Braille, outils et solutions numériques pour faciliter la lecture, mieux appréhender les mathématiques ou la programmation, cartes interactives pour apprendre la géographie, l’histoire… : la scolarité des élèves déficients visuels passe par de nécessaires adaptations matérielles. Encore insuffisantes ou tardives, elles existent néanmoins, initiées par des associations, des institutions spécialisées et des laboratoires.

Lorsqu’on n’est pas touché par le handicap, il est difficile d’imaginer à quel point certains gestes, certaines activités, certains éléments constitutifs de l’enseignement qui nous paraissent parfaitement naturels posent de redoutables difficultés aux jeunes en situation de handicap, peut ont lire dans un tout récent rapport de juillet 2019 fait au nom de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République.

Pourtant, au-delà des outils numériques de lecture adaptés aux besoins des élèves déficients visuels (ordinateurs avec plage de lecture Braille, télé-agrandisseurs ou logiciels d’agrandissements…), et alors même que « le rôle du matériel est évidemment essentiel », le développement de supports qui permettent une réelle accessibilité aux contenus pédagogiques mais aussi aux lieux et activités, reste encore insuffisant. Et leur disponibilité pas toujours évidente au regard du coût, même si le Projet personnalisé de scolarisation (PPS), élaboré par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), peut inclure l’attribution de matériel pédagogique adapté. Force est de constater aussi, comme le souligne Nathalie Lewi- Dumont, chercheuse à l’INSHEA (Institut national supérieur de formation et de recherche pour l’éducation des jeunes handicapés et les enseignements adaptés), que « la maintenance n’est pas toujours bien assurée. Quant aux manuels scolaires ils ne sont pas non plus toujours adaptés ou pas distribués en temps utile, ce qui entrave la scolarité ».

Des initiatives d’associations

Beaucoup d’établissements spécialisés disposent néanmoins de services de transcription en Braille. Mais cela peut rester difficile de faire quand les profs ne jouent pas bien le jeu ou tout simplement parce que transcrire des ouvrages prend des semaines, voire des mois, et qu’ils sont informés souvent à la pré-rentrée de l’accueil d’un élève déficient visuel.

À côté, existent des initiatives notables, comme celle de l’association « Baisser les Barrières ». Celle-ci a déjà numérisé plus de 2400 livres universitaires et des documents d’étude afin de les rendre utilisables grâce aux logiciels de synthèse vocale, disponibles dans la Bibliothèque numérique universitaire (BNU). L’association travaille aussi au développement d’un logiciel, un /DOSSIER Lucie Care Magazine #03 5 programme spécifique de lecture mathématique soutenu par le fonds de dotation Lucie Care, qui doit permettre aux élèves, de la 4e jusqu’au second cycle universitaire, « d’avoir accès aux signes mathématiques complexes, et ainsi de pouvoir se projeter dans des études mathématiques et scientifiques, ce qui reste actuellement très difficile pour eux ». Un dispositif d’apprentissage de la programmation par bloc, a éte porté par le laboratoire Cherchons pour Voir de l’Institut de recherche en informatique de Toulouse (IRIT), afin de favoriser l’accès à l’algorithmique aux déficients visuels « et de favoriser leur insertion professionnelle dans ce domaine ».

Des chercheurs voulant chercher

Ce laboratoire s’attache aussi à la création, pour de la mise à disposition gratuite, de contenus pédagogiques interactifs en langue française entièrement accessibles par la voix, qui seront testés par trois centres d’éducation spécialisée, dont l’IJA de Toulouse, déjà partenaire depuis des années sur le développement d’autres outils adaptés. L’Institut a ainsi été le premier à tester une carte tactile qui permet à des élèves de naviguer sur l’écran avec les doigts et d’obtenir immédiatement des informations sonores en appuyant sur un point. Plus simple, pour étudier la géographie par exemple, que de se promener sur des cartes tactiles imprimées sur papier, auxquelles s’ajoute un volumineux recueil de légendes en Braille que l’on doit ouvrir par ailleurs si on veut les informations, ce qui interrompt la compréhension.

Aussi, le centre de soins et d’éducation spécialisée Alfred Peyrelongue déploie un projet de signalétique, accompagné par le fonds de dotation Lucie Care : l’utilisation de pictogrammes tactiles « pour permettre aux jeunes n’ayant pas accès à l’écriture noire ou braille de se repérer » (pour les emplois du temps sur lesquels ceux-ci seront repris sur des supports thermoformés, pour signaler les lieux, les activités, se nommer, nommer les autres…).

Camille Pons